Un jeu de rôle destiné aux couples et à leurs préliminaires. Il ne s’agit pas de mettre l’accent sur la pornographie, mais bien d’intégrer le concept de « Jeu » dans une relation consentie entre deux adultes responsables.
Si la critique ne dit pas si et comment le jeu a été testé, elle répond à une interrogation essentielle : correspond-elle au propos initial ?
L’écrin tout d’abord. Il instaure un certain confort visuel, une curiosité presque charnelle et plutôt bien pensée. Couleur, mise en page, illustrations et des accessoires livrés dans sa version collector. Cette dernière offre des rubans, des billes, des bourses en tissu, un nécessaire. Et même un préservatif estampillé du titre du jeu (et du logo de l’éditeur des fois qu’on se pose la question en plein déballage).
Oui, mais le jeu ?
Il propose d’imaginer, d’inventer à deux (en couple), une histoire en trois actes. Ce conte interactif mêle le MetaGame (la partie réelle, impliquant physiquement les joueurs) et le Gameplay (la mécanique ludique, les règles du jeu).
L’aspect « conte » tient davantage de la cosmétique narrative, que de la résolution. Il peut être expédié sans véritable enjeu et définit en vérité le découpage de la partie. Les deux joueurs (ou joueuses) s’improvisent l’histoire aussi naturellement qu’ils l’auraient fait dans un autre contexte érotique. À la différence qu’ici, on rebondit sur le versant ludique. La narration devient prétexte à la progression, qui représente, elle, le message du jeu. Car oui, Romance Érotique veut cultiver le désir et non le remplacer. Il accompagne et effleure les envies mutuelles, sans se substituer aux repères.
Les 3 actes présentent ces spécificités :
- La rencontre. Les personnages-joueurs se croisent pour la première fois. Leurs interprètes restent habillés et aucun baiser n’est autorisé. Nous sommes dans le registre du flirt.
- Le rendez-vous. Les joueurs ne portent que des sous-vêtements, on passe de la séduction à la tentation. Toujours aucun baiser.
- Le moment intime. Nous sommes désormais nus pour achever notre fascination et tenter d’obtenir le sésame, à savoir un baiser. Ce dernier clôt la partie et laisse place… au reste.

Ninja : « Boss, j’espère qu’ils ne sont pas frileux !! »
Boss : « J’ai plutôt l’impression du contraire, et arrête de faire semblant de pas voir ! »
Univers
Tout se vit dans la tête ? Pas vraiment. Je vous l’assure. Les situations contées impliquent deux personnages fictifs, incarnés, faits et gestes par les joueurs. Si la mécanique reste la même, le contexte invite à des saveurs forcément renouvelées. En dehors de la scène moderne, on peut provoquer par exemple les ambiances suivantes :
- La romance médiévale raconte l’histoire d’une bergère qui rencontre un troubadour. Les deux multiplient les rendez-vous jusqu’au moment intime.
- La romance transalpine, inspirée du film Titanic, évoque une promise de 1ère classe dont le cœur s’éprend d’un artiste voyageant en 3e classe.
- La romance au service de Sa Majesté esquisse la réunion de deux agents secrets finalement capturés et promis à un funeste destin.

Ninja : « Boss, C’est autorisé, « ça » ??! »
Boss : « Il paraît que David Carradine le conseille ardemment… »
Mon principal reproche attaque l’aspect narratif, trop libre. Un mal pour un bien, dirons-nous. Pour comprendre son intérêt, prenez cela comme une impossibilité de se tromper ou de faire fausse route dans l’histoire. Il n’existe pas de mauvaise manière de raconter, seulement des façons d’amener le désir. Reposez-vous ainsi sur les repères de votre propre couple.
La frustration du manque de développement dans cette partie demeurera malgré tout. J’aurai adoré découvrir un récit plus complet, moins cosmétique.
Mécanique huilée
Le respect des règles est un pilier de l’appréciation. Les outrepasser nuit à l’expérience puisque la force réside dans la restriction. Et quand bien même un joueur se sentirait lésé, une règle optionnelle l’invite à tenter de corrompre sa partenaire… par tous les moyens possible – dans le respect de la montée en puissance.
Le joueur possède trois domaines de séduction : la sensualité, la profondeur et l’empathie, chacun représenté par un ruban de couleur. Dans l’ordre, le rose fuchsia, le violet et l’or. On doit les placer sur son propre corps. Plus le ruban se situe haut, plus sa valeur s’impose. Par exemple, l’or en premier indique une forte conscience du relationnel.
Le but ? Délier ces rubans pour passer au prochain acte, faire avancer l’histoire et débloquer des gages. Ces derniers sont autant de caresses et de gestes suggestifs qui nourrissent le désir.
Mener : à tour de rôle, on devient meneur et raconte le contexte qui amène les personnages. Un des deux joueurs entame alors la séduction et met en avant l’un de ses trois domaines pour arriver à ses fins. Une fois déterminé lequel, le ou la partenaire instaure une difficulté à surpasser (chiffrée à 1 ou 2, au choix). Ce seuil représente une valeur de « points d’érotisme » à atteindre. Pour savoir si cela se produit, le séducteur retire des billes d’une des deux bourses. Une bille noire donne zéro point. Blanche, un. Rouge, trois. Un seuil atteint signifie que le ruban doit être délié – ce qui génère un gage.
La progression des actes donne le ton et conduit le désir vers une assurance assumée, sans jamais verser dans la gratuité. Tout se mesure, non seulement par consentement mutuel, mais dans le cadre du jeu. Ça fonctionne.
Cette histoire de rubans : une bonne idée, mais les rubans doivent tous être retirés pour passer à l’acte suivant (et replacés). Un aspect redondant peut s’en dégager. À moins de proposer d’autres alternatives pour les libérer…
Tableaux de fin
Essentiels pour résumer les étapes, les objectifs et les règles. Entre éléments récapitulatifs et guides clairs, ils évitent de chercher les passages-clés suite à une première lecture. Un atout important pour éviter de s’arracher au doux crescendo.
Jouez le jeu si la curiosité vous pique, de vous amuser. Dans tous les sens du terme. Vous n’en avez guère le besoin ou l’envie ? Bien, Romance Érotique n’offrira pas plus à votre couple, il invite surtout à s’essayer à une expérience différente. Ludique. Clairement. Attendez-vous à une séance parfaite dès la deuxième prise. La première permettant d’en comprendre les subtilités – en dépit de l’aspect narratif plus ou moins au second plan.
Le désir viendra du fait que l’on répond à une contrainte, un frein légèrement relevé. Une main tendue, effleurée, des gestes lents, saccadés, un souffle accéléré. En trois temps. Un effeuillage méthodique, rationnel, peut-être un peu trop, mais juste assez pour exciter, sans pour autant éviter, le meilleur, de se produire.
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déçu | contrarié | indécis | satisfait | ravi | passionné | extatique |
+ Jouer avec le couple
+ L’expérience…
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– Fragilité du livret
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Univers : Romance Érotique – collection In Vitro
Thèmes : érotisme, improvisation Type (COLLECTOR) : livret 16×24 cm et en couleur de 32 pages, 3×2 rubans de couleur, de 2 mètres chacun, 3 bourses (or, fuchsia et argent), 24 billes (2 rouges, 7 blanches, 6 noires ; le tout x2), 1 préservatif VO (française) : Les écuries d’Augias Auteur : « Jelino»
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J’attends de lire des commentaires depuis ce matin… :'(. Bon, bah, je me lance !
Alors, quand j’ai vu passer le titre sur Twitter, je me suis demandée si on se foutait pas un peu de nos gueules. « Romance érotique »… Super ! C’est comme si D&D s’était appelé « Med-Fan ». ça m’a paru bien racoleur, limite l’habillage était trop sobre comparé au titre (ou peut-être que c’était intentionnel, genre « Non mais ça va, Jean-Michel, ils ont compris que ça parlait de cul, enlève les paillettes, ça va faire vulgaire »).
Quand j’ai vu la photo des accessoires, j’ai failli faire une crise de lieux communs (des billes ? sérieusement ?!). Heureusement qu’ils fournissent un préservatif (un seul…), sinon ça partait bien pour avoir sa place dans un télé-achat douteux, rubrique « Pimentez votre couple, bande de bourgeois sans imagination ».
Du coup, je ne vais pas dire que je partais avec un a priori négatif, mais bon… Ce que je pense de la littérature érotique en général, c’est que c’est génial quand c’est bien écrit, mais que ça fait partie des genres les plus cruels à écrire et, de fait, les plus pénibles à lire. De mon point de vue très personnel, les meilleurs auteurs du genre sont ceux qui n’avaient pas l’intention à la base de faire dans l’érotique. Je caricature à peine.
Je ne l’ai pas lu/essayé, mais la critique me donne l’idée d’un « peut mieux faire, mais bel effort ».
Je ne peux pas m’empêcher de voir un léger anachronisme dans le fait d’appeler « Rendez-Vous » la partie qu’on joue en sous-vêtments… Ok, il n’est pas écrit « premier rendez-vous », mais peut-être qu’un découpage le jour/la nuit/l’aube aurait été plus imagé et plus suggestif que la rencontre/le rendez-vous/le moment intime… (« Jean-Michel, j’espère que c’est assez clair et que les joueurs sauront pourquoi ils sont là »).
J’étais vraiment blasée sur les exemples d’univers… sérieusement, ça fait tellement « plot » d’un téléfilm de M6… Je sais bien que ce serait compliqué de commencer un « scénario » par : « un brillant chercheur en physique nucléaire rencontre une baronne de la drogue en cavale lors d’un congrès international sur les utilisations civiles du plutonium », mais entre ça et le rapport de classe traditionnel (la nana qui voyage en 1re et l’artiste voyageant en 3e, ou la bergère et le troubadour), y’a peut-être un monde de rapports de séduction à explorer. Je ne dis pas que ces scénarios de base sont inintéresants, je dis juste qu’ils ont un léger goût de vu, déjà, revu et « non, je t’ai dit que je t’avais déjà vu ! ».
D’ailleurs, j’en viens à ce qui me gêne a priori dans l’oeuvre : c’est l’absence d’univers pré-défini. Je veux bien entendre que c’est un parti pris, que ça vise à donner un maximum de latitude au couple qui peut inventer sa propre histoire, mais franchement, ce blog n’existerait pas si tous les auteurs faisaient comme ça et rédigeaient le minimum sur le cadre d’une oeuvre. Ok, vous faites appel à mon imagination, mais aidez-moi à la nourrir. Apres, j’imagine qu’il y a des éléments de background, mais vu la diversité des trois intrigues proposées, j’ai du mal à croire qu’ils soient développés au point que ma création de la romance soit suffisamment stimulée. Et l’argument qui consisterait à dire que c’est pour éviter d’en faire trop et de lasser le lecteur/joueur, j’ai bien envie de te répondre que bon, si on achète ce genre de guide de jeu de rôles, c’est qu’on a une envie de créer du contenu à la base et je vois mal le lecteur s’arrêter en si bon chemin parce que « Jean-Michel, on a mis trop de descriptions, c’est plus chiant que Twilight ».
Après, je n’en pense pas que du négatif. Le fait que l’aventure livresque s’arrête à un baiser, je trouve que c’est plutôt respectueux de l’initiative des joueurs. Les trois domaines de séduction sont plutôt bien trouvés et nécessitent de réfléchir un peu avant d’orienter son personnage. Bon, le mécanisme des rubans qu’on enlève mais qu’on peut remettre, je ne suis pas certaine d’avoir tout compris, mais le principe n’est pas inintéressant. Et l’alternance du rôle de meneur, c’est plutôt propice au suspense érotique.
Donc, je donnerai peut-être sa chance à Jean-Michel, mais je pense quand même que dans le genre, on peut faire plus abouti.
J’aurais préféré qu’ils nous mettent une petite pilule bleu avec tout ça, histoire d’éviter les échecs critiques…
Plus sérieusement, ça me semble plutôt pointu, pas sûr que beaucoup de couples se laissent tenter. L’aspect ludique m’a l’air plutôt sympathique, mais je suis sceptique sur le fait de laisser la narration au second plan, les scénarios m’ont l’air assez clichés, c’est pas ce qui met le plus à l’aise, ça prête limite à rire.
Mais après tout pourquoi pas, ça a le mérite d’être assez original, et ludique, plutôt satisfaisant donc.