Cette horreur est contemporaine. Humaine, ou surnaturelle, elle s’insinue profondément pour arracher toute raison. Qu’allons-nous affronter ? Une créature ? Un criminel ? Ou simplement nos peurs enfouies ? L’univers de Within se révèle sous bien des visages…
Un objet au format léger, peu tape-à-l’œil. Une couverture souple avec une illustration au thème facile – malgré tout raccord avec le fond. Le livret veut initier, voyons s’il y parvient.
Introduction
Je dois l’avouer, l’honnêteté de la démarche me plaît. Le jeu invite à l’horreur et propose surtout des outils pour l’adapter à votre table. Positif, donc, mais qui peut sonner comme prétentieux. Cette impression disparaît heureusement, une fois assimilée la volonté d’offrir au meneur, un jeu complet et réfléchi en amont. Oui, je parle d’une ligne éditoriale définie et clairement encadrée.
La maquette optimisée et la qualité de la plume m’accompagnent avec plaisir. La curiosité est piquée au vif quand le contenu évoque ce livret de découverte comme la première pierre d’un projet plus ambitieux. Je n’attends que ça.
Je dois vous avouer : des années durant, j’ai suivi le travail de l’auteur, pour l’avoir consommé avidement (ses textes, pas l’homme). Il fait partie de ces créatifs dont la « vision » du jeu correspond à la mienne. À savoir l’invitation ludique. Pas un débat ou une philosophie, ni un discours militant, juste, une offre de divertissement. J’espère donc de tout cœur trouve cet écho dans cet ouvrage.
Le système
Un personnage se définit par les éléments suivants :
• un alpha (ce qui le motive au quotidien)
• un trait dominant (son attitude, autrement dit son paraître)
• une occupation (le métier, ce qui le représente socialement)
• quelques compétences spécialisées…
Le principe rejoint le système découvert dans Wastburg (une mécanique conçue par Nathan Russel, le Free Universal Roleplaying). Nous obtenons une base mathématique relativement limitée, pour favoriser l’interprétation. Traduction ? En jeu, plus une situation rencontrée par le personnage entre en adéquation avec son occupation / sa spécialité / son aptitude, mieux elle est résolue.
Sans réellement passer par un lancer de dés, nous retrouvons des sensations du théâtre d’improvisation, avec un angle raccord à l’intention initiale : la mise en avant du conte et de son ambiance.

Ninja : « Arrête, Billy, tu n’es pas une fusée !! Tu es un être humain ! … enfin, une illustration d’être humain… bon d’accord saute. »
De la ressource : pour casser tout systématisme, le joueur peut puiser dans les capacités profondes de son personnage, comme sa Volonté, afin d’autoriser un dépassement de soi quand les compétences ne suffisent plus face à la difficulté. Évidemment, cette ressource est loin d’être inépuisable.
Plus encore : un pot commun au groupe se trouve sur la table. Les joueurs peuvent améliorer leur chance de réussir une action, en ajoutant dans ce pot des jetons. Mais voilà, arrivé à un seuil critique (représenté par le nombre de joueurs multiplié par deux ; toujours sous forme de jetons), un événement fâcheux se produit ! Accident, blessure, obstacle soudain, etc. une mésaventure qui équilibre la partie, avec automatiquement une réduction des jetons dans ce pot angoissant. L’ensemble se montre facile à comprendre, malgré le sentiment bien présent de faire face à une mécanique morcelée et aux options énigmatiques – comment faire pour aller encore plus loin ?

Boss : « Les gars, tenez bon ! Les photos ne doivent pas tomber…. aarrgghhhhh »
Ninja numéro 3 : « quelqu’un lui dit ? »
Le scénario
Fil rouge classique. Trame simple. Un cadre situé aux États-Unis. Mais, bon dieu, le traitement est fabuleux ! L’auteur sait installer son décor, amener ses figurants – même les plus archétypaux, et inviter les joueurs à l’enquête par le prisme d’un formidable bac à sable. J’estime qu’un scénario peut réellement faire basculer une intention d’achat pour une gamme. Ici, le pari de l’intelligence ne manque pas d’atouts et d’outils. Notamment grâce aux conseils émaillant l’histoire.
Néanmoins, ne vous fiez pas uniquement à mon enthousiasme. Car ce scénario nécessite une préparation en amont, afin de transcrire sereinement les codes de l’horreur pour un savoureux final apocalyptique.

Illustration qui fait la gueule: « Vous avez pas des cordes plutôt, pour descendre ? Vous faites chier les mecs… »
Les personnages prétirés proposés dans le livret de découverte :
• Samuel W. James, un écrivain en quête d’inspiration
• Ethan I. Turner, un garde du corps indépendant
• Benedict T. McLawry, un professeur d’anthropologie hanté
• Père H.I. Paige, un pasteur troublé
• Adam N. Nolan, un flic en arrêt maladie
Des fiches de personnages visuellement un peu austères, mais dont les éléments historiques donnent aux joueurs largement de quoi s’amuser. Vous pouvez par ailleurs retrouver ces aides de jeu gratuitement téléchargeables sur le site de l’éditeur – avec quelques bonus. Un plus pour éviter d’abîmer l’ouvrage.
Le scénario du livret vaut à lui seul l’achat. Il peut d’ailleurs être transcrit dans un autre univers, comme celui de Delta Green, et ce sans grand effort. En effet, la modularité vantée dans l’introduction se ressent vraiment et le passage de la théorie à la pratique donne envie de poursuivre l’expérience.
Mais alors, je m’interroge sur l’intérêt réel du système, qui semble surtout être là en filigrane (le livre de base dont la critique ne tardera pas à tomber ôtera peut-être ce doute). Si je reste mitigé sur ce choix, mon attente sur le suivi de gamme est grande. L’auteur du scénario, à l’origine de cet univers, aura dans son livre de base toute latitude pour s’étendre. Je souhaite en secret, une véritable histoire d’horreur à vivre, à la hauteur de la qualité du scénario d’introduction.
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déçu | contrarié | indécis | satisfait | ravi | passionné | extatique |
+ Peu onéreux pour une initiation à l’horreur
+ / – Scénario à adaptable à n’importe quel univers contemporain horrifique
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Je suis d’accord avec vous Monsieur Réussite (je peux vous appeler ainsi ?)
Par contre, j’ai été déçu de ne pas retrouver exactement la même ambiance graphique dans le produit final que ce qu’augurait ce livret découverte. Ce n’est peut être qu’une impression. Mais j’ai ressenti comme un changement d’orientation artistique, pas la même cohérence dans le ton.
Peut être que c’est très subjectif.
Bonjour,
A la suite de la lecture de cet article, j’aurai aimé savoir si on peut sans trop de difficultés adapter Within à la V6 de Chtulu ?
Mckilleron
L’adapter à L’Appel de Cthulhu V6, oui, clairement possible. Mais avec un travail en amont si tu gardes le contexte historique (le scénario de Within profite d’éléments contemporains).
Delta Green semble mieux ciblé. 🙂