Livre de base
L’Appel de Cthulhu
Édition 30e anniversaire 7


1920. Des monstres venus d’ailleurs menacent l’Humanité. Les investigateurs, personnages centraux de nos sombres histoires, tentent de comprendre leurs origines. Tout semble converger vers la même conclusion, nous sommes condamnés. Comment lutter ?

Boss, qui n'est pas Cthulhu : « OHééééé ! »

Boss, qui n’est pas Cthulhu : « OHééééé ! »

L’écrin luxueux de cette édition destinée à marquer les trente années du jeu tient la dragée haute. Verni sélectif, signet en tissu doré, couverture sobre et profonde. En ouvrant, je vois que le jeu bénéficie pour la première fois du tout couleur.
Il s’agit d’une version alternative de la sixième édition de L’Appel de Cthulhu. Donc, à cette occasion, nous avons droit à une métamorphose du produit initial.

Le livre s’ouvre sur une nouvelle, et quelle nouvelle ! Bon point, l’ambiance et la lecture prennent. Mauvais point. C’est long.

Boss : « Invoquons des forces obscures... ! » Ninja, le cœur au bout des lèvres : « In... Nomine... Vomito... »

Boss : « Invoquons des forces obscures… ! »
Ninja, le cœur au bout des lèvres : « In… Nomine… Vomito… »

En vérité, je n’ai qu’une seule envie, là, c’est de jouer. D’ailleurs et au passage, le prétexte d’acquérir cette édition est à la base surtout dû à la rupture des stocks de la version dite normale. Ajouté à cela, mon seul livre de base de L’Appel de Cthulhu était celui de l’édition précédente. Elle commençait à dater. Une mise à jour devenait pressante. L’édition anniversaire se montre d’apparence charmante, mais je me pose sérieusement la question de son utilité.

 

Recentrons. L’ambiance reste le maître mot. Les textes desquels le jeu est issu reposent sur une atmosphère narrative insidieuse, un poids psychologique qui s’engraisse de la terreur des personnages. La nouvelle d’introduction joue sur cette montée en puissance. De mon côté, je ne découvre rien de bouleversant. Un néophyte appréciera néanmoins grandement cette lecture – s’il n’est pas pressé.

Boss : « John, noooooon ! » Ninja : « Ce n'est qu'un signet en tissu, ça ne vaut pas le coup de se tirer une balle ! »

Boss : « John, noooooon ! »
Ninja : « Ce n’est qu’un signet en tissu, ça ne vaut pas le coup de se tirer une balle ! »

S’en suivent un large spectre sur l’auteur (Howard Phillips Lovecraft) ayant inspiré le jeu et le climat dans lequel ses œuvres ont évolué. L’état d’esprit décrit dans ces pages peut aider à comprendre le contenu, sans pour autant être d’une réelle utilité pour le jeu. Il faudra attendre le passage sur Le Mythe de Cthulhu pour revenir à l’aspect ludique. La genèse, les raisons, les créatures, le pourquoi (… pas encore le comment). Enfin, nous sommes dans le pratique avec ces bases solides.

Le défilé de monstres et de textes immersifs, témoignages d’horreurs à travers le monde, donne un goût de bande-annonce. Je suis tenté de passer outre parce que je n’ai aucun moyen ludique de les mettre en scène. C’est presque une affaire de cosmétique et d’immersion – le tout émaillé d’illustrations saisissantes.

Illustration du monstre : « Et tu prends ton élan pour nous faire un saut carpé » Ninjas et Boss, admiratifs : « Woaaaaaaaa »

Illustration du monstre : « Et tu prends ton élan pour nous faire un saut carpé »
Ninjas et Boss, admiratifs : « Woaaaaaaaa »

Le système de jeu
Finalement, nous n’avons pas eu à attendre longtemps et tout ce qui précède n’est pas utile pour attaquer ce chapitre. Les règles du jeu commencent par la création de personnage.

Un alter ego dispose de 8 caractéristiques (Apparence, Constitution, Dextérité, Force, Taille, Éducation, Intelligence, Pouvoir), notées sur 18 (ou 3D6 si vous préférez). Chaque caractéristique donne des attributs, dont la valeur correspond à [Caractéristique x5%] :
• Apparence – Prestance
• Constitution – Endurance
• Dextérité – Agilité
• Force – Puissance
• Taille – Corpulence
• Éducation – Connaissance
• Intelligence – Intuition
• Pouvoir – Volonté

En d’autres termes, la répartition des caractéristiques représente une valeur brute qui conditionne la fiche de personnage à bien des égards.

Ninja : « John est parti, il faut que tu l'acceptes... » Illustration : « Mais il est mort avec tous mes vêtements le con ! »

Ninja : « John est parti, il faut que tu l’acceptes… »
Illustration : « Mais il est mort avec tous mes vêtements le con ! »

Les occupations présentées sont autant de rôles dont peuvent disposer les joueurs pour former le groupe : Artiste, Baroudeur, Détective, Dilettante, Explorateur, Homme de Foi, Homme de Loi, Journaliste, Médecin, Militaire et Universitaire. Parmi ceux-là, il n’existe pas vraiment de favori. Puisque nous sommes dans un jeu d’enquête et de résolution d’énigmes. Le type de personnages choisi détermine surtout les ressorts scénaristiques de l’histoire. Par exemple, un joueur incarnant un Artiste aura dans ses contacts quelqu’un d’un milieu culturel pour le renseigner au sujet d’une affaire ; un Détective demandera le renfort de Forces de l’ordre ; etc.

La création de personnages conclut sur l’excellent récapitulatif et proposition de concevoir un alter ego en 20 minutes. Le meneur doit être cependant entraîné à l’exercice pour aiguiller le joueur dans ses choix.

Les compétences : au nombre de 40, elles recouvrent tous les domaines pour encadrer les actions en cours de jeu. Malgré une certaine redondance. Du reste, elles se notent en pourcentage et pour réussir une action, il faut lancer 1D100 et obtenir la valeur de la compétence, ou moins – à la manière du système d’Aventures.

Boss : « Alors, tu viens plus aux soirées ? »

Boss : « Alors, tu viens plus aux soirées ? »

Des mécaniques dispensables : sérieusement, je ne comprends pas cette obsession pour encadrer les enquêtes avec un tas de règles supplémentaires. C’est trop. On nous vend du rêve (ou plutôt du cauchemar) avec ce mélange d’horreur et de désespoir… puis… on nous propose de résoudre le problème en lançant seulement des dés. Autant rester sur un jeu de société basique. Certains le font très bien. Je croirais presque en un message contraire au propos du livre de base.
Deux choses donc. Premièrement, un meneur débutant sera absolument ravi de pouvoir aider ses joueurs à réorienter son scénario à défaut d’avoir l’expérience suffisante pour le narrer sans simulation. Deuxièmement, ces règles restent optionnelles. Et à titre personnel, je joue sans elles. Comme beaucoup, j’imagine.

 

Style de jeu
Avant de poursuivre et en qualité de meneur, il est important à ce stade d’identifier la manière dont vous allez raconter vos histoires. On nous présente trois angles d’attaque.

1. Horreur Lovecraftienne, destinée à faire vivre des aventures où les personnages ressemblent davantage à des victimes. 2. Investigation occulte, des trames dans lesquelles l’horreur du Mythe peut être contenue à défaut de la combattre. 3. Aventures Pulp, ici nous réunissons des Gentlemans extraordinaires, ça pète dans tous les sens et les investigateurs deviennent des héros. Autant dire que l’intérêt d’incarner l’horreur reste minimum dans cette alternative, qui ressemble surtout à une chasse aux monstres. Pour cette seule raison, je ne suis pas convaincu du dernier tiers.

 

Mise en perspectives : tout au long de la lecture, des encadrés finement disposés décrivent les ouvrages parus dans des éditions antérieures. Cette ingérence en douceur permet au passage de se cultiver sur la gamme et ses ambitions au cours des trente dernières années. Intéressant sans être indispensable à la compréhension du jeu, ce détour fait office d’hommage.

Ninja 1 : « partons à droite ! » Ninja 2 : « partons à gauche ! » Boss : « Bordel on est ENCORE perdus... »

Ninja 1 : « partons à droite ! »
Ninja 2 : « partons à gauche ! »
Boss : « Bordel on est ENCORE perdus… »

La Santé Mentale : une valeur sûre
Le sel du jeu repose sur une valeur appelée Santé Mentale (ou SAN). On la calcule en multipliant la caractéristique Pouvoir par 5. Par exemple, un personnage avec 14 en Pouvoir, aura 70 en SAN. Chaque fois qu’un investigateur vit une expérience traumatisante (scène horrible, rencontre avec un monstre, découverte mystique…), le meneur lui retire quelques points. Il s’agit là d’une épée de Damoclès. La barrière psychologique du personnage se délite et lui promet de sombrer au gré de ses aventures, dans la folie – aux environs de 20-30 points, on peut s’inquiéter. Aux joueurs d’assurer la prudence et d’éviter de s’exposer inutilement au moindre danger.
La vraie nécessité de prudence, néanmoins, réside dans la capacité du meneur à faire planer cette menace. Que la réduction de cette jauge ne finisse pas par ressembler à une punition bête et méchante. La perte de SAN doit surtout être la conclusion d’une séquence marquante.

Boss : « Chérie ? Tu veux de la citrate de Bétaïne ? »

Boss : « Chérie ? Tu veux de la citrate de Bétaïne ? »

Le maître entre en jeu
Dans L’Appel de Cthulhu, on ne m’appelle pas « Maître du Jeu », mais « Gardien des Arcanes ». Rapport au mysticisme et aux secrets dans le jeu. Du reste, le… Gardien trouve dans la partie dédiée au paranormal (livres maudits, sortilèges, invocations impies), de nombreux conseils pour le mettre en scène. Non pas que je trouve le chapitre mauvais, néanmoins il reste assez symptomatique du contenu en général : le travail du meneur doit consister en un certain dosage. Ici plus que dans un jeu ordinaire, puisque chaque facette de prisme horrifique est une manière de réduire à néant les personnages. Les moyens foisonnent.

Illustration : « Je vous refais un toucher rectal ? » Boss : « Oh maman non... » Ninja 1 à Ninja 2 : « Il veut pas un whisky d'abord ?! »

Illustration : « Je vous refais un toucher rectal ? »
Boss : « Oh maman non… »
Ninja 1 à Ninja 2 : « Il veut pas un whisky d’abord ?! »

Heureusement, le chapitre suivant concerne l’art du conte dans L’Appel de Cthulhu. Un aspect que je craignais au départ remplacé par des listes de pouvoirs et autres dangers contre les investigateurs. Soit. On nous évoque l’ambiance, comment encadrer les antagonistes, jauger l’intervention des règles, qui ne doivent pas empiéter sur le plaisir de jeu. Le tout ouvert sur deux éléments majeurs : les divinités qui forment le Mythe, ainsi que ses lois fondamentales… ces dernières posent à merveille le cadre dans lequel les histoires évoluent.

• Il n’y a ni Dieu, ni Diable.
• L’univers est gouverné par les lois physiques de la nature.
• Toute forme de vie n’est qu’un simple accident.
• L’Humanité est insignifiante dans l’univers.
• L’Homme n’est pas la seule forme de vie dans l’univers.
• La Religion et la morale sont des concepts humains.

Si tu es destiné à devenir joueur, et non meneur, une prise de conscience devrait s’opérer en toi à la lecture de ces six points. Ton personnage est exposé, sache-le. Donc, ne fais pas n’importe quoi. L’héroïsme consiste ici d’abord en la survie. Enquête, lutte, mais reste caché.

 

Scénarios
Juste avant, notons que la gamme pensée en amont propose une structure cohérente dans ses scénarios. Malin. Je peux le confirmer, les scénarios du commerce répondent à la même mise en place, telle que, par exemple :
• Le pitch
• La liste des PNJ-clés
• Les enjeux et récompenses
• L’ambiance
• La fiche technique, avec, notées sur 5 points, des valeurs qui donnent une idée claire des thèmes du scénario (Investigation, Action, Exploration, Interaction et Mythe).

Boss : « C'est le piège le plus con de l'Humanité. M'étonne pas qu'on soit tous condamnés... »

Boss : « C’est le piège le plus con de l’Humanité. M’étonne pas qu’on soit tous condamnés… »

En d’autres termes, tout est fait pour accompagner le meneur de jeu. Bon point. Maintenant en ce qui concerne la trilogie proposée en fin d’ouvrage, j’ai quelques regrets. Le contenu jusqu’à maintenant, se veut didactique, malheureusement ces trois scénarios chargés en séquences surnaturelles s’adressent à un meneur expérimenté. Plus encore, car si ce dernier souhaite une ambiance proche de la réalité, il doit calibrer l’ensemble en amont.
Si la trilogie « Les trois tourments de Tadjourah » est à jeter ? Absolument pas. Au contraire, j’ai réellement eu envie de la mener, même au prix d’heures de préparation. Ses thèmes la rendent extrêmement exotique. Du reste, je ne peux que conseiller au meneur de d’abord télécharger gratuitement le scénario sur le site de l’éditeur français : « L’âme damnée d’Ernest Pico ». Étonnamment, il est du même auteur et se montre vraiment accessible à la maîtrise. Commencez par lui.

 

CONCLUSION_SHAK
Son principal défaut reste d’avoir trébuché à la dernière marche avec une trilogie dense, autant pour le meneur que pour les joueurs. Sans être un défi à mettre en place, ces scénarios disposent d’une intrigue et d’un séquençage exigeants – pas un problème en soi, d’autant qu’il existe des alternatives.

Le livre de base se montre autant comme un objet de collection avec lequel impressionner sa table, que comme un outil ludique promettant de sombres histoires d’horreur. La qualité physique ne fait évidemment pas tout. Mais il faut reconnaître le travail important de l’éditeur français. Ce dernier ne s’est pas contenté de traduire et d’imprimer, on lui doit sa volonté de mettre en avant un savoir-faire. Par conséquent, l’encouragement est de mise.

Cela vaut-il la version originale ? Oui, mille fois. L’éditeur derrière cette production réussit haut la main à la faire oublier, par son audace et sa pertinence, dont celle d’avoir su impliquer des auteurs français pour cette édition unique en son genre.

 

 

RAVI_PASSIONNE_01
déçu contrarié indécis satisfait ravi passionné extatique
+ La beauté du livre
+ L’hommage et savoir-faire français
+ Contenu riche, supplémentaire, inédit
+ / – Pour le collectionneur
Univers : L’Appel de Cthulhu
Thèmes : enquête, occulte, 1920
Matériel : 400 pages couleur avec signet en tissu doré
VO (française) : Chaosium
VF : Sans-Détour (traduction et création)
Auteurs : Scott David Aniolowski, Shannon Appel, Guilhem Arbaret, Bruce Ballon, David Bercovici, Thomas Berthier, Jérôme Bouscaut, Guillaume Chaudemanche, Arnaud Cuidet, William G. Dunn, Christian Grussi, William Hamblin, Keith Herber, Jan, Sam Johnson, Mark Morrison, Sandy Petersen, Christophe Ployon, Kevin A. Ross, Eric Rowe, Brian M. Sammons, Samuel Tarapacki, Michael Tice, Lynn Willis

 

 

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7 commentaires sur “Livre de base
L’Appel de Cthulhu
Édition 30e anniversaire

  • joker59200

    Woaw que c’est complet ! J’adore la façon dont tu exposes ta critique. Le jeu me donne vraiment envie, seulement il y a tellement de livres, de quêtes annexes, d’extensions etc… Que je ne sais pas sur quel site acheter le livre de base ni quelle version prendre, la 6E édition ou la 7E ? Si tu peux me donner ton avis et éventuellement si tu as un site où me procurer le bouquin de base ce serait vraiment cool ! Dernière question, le livre de base contient il un minimum de bestiaire ou il y a un autre bouquin pour cela ? (parce que faire une jolie aventure c’est pas mal, mais si on a aucune idée de comment créer un monstre de manière convenable [même si la plupart nous poussent à fuir] c’est quand même dommage !)

    • Mahyar
      Mahyar Auteur du billet

      Merci.

      Pour répondre de la manière la plus concise et simple : La 7E est en train de sortir (un mois), elle est complètement rétrocompatible.
      Sur cette gamme et d’autres, tu peux tout ou presque avoir chez mon dealer, je parle de Ludikbazar. Et pourtant j’en ai écumé des boutiques…

      Côté bestiaire, tu en as un dans la version anniversaire, mais un chouille plus fourni dans la 7ème. Bref, si tu tombes sur une occasion sur une édition antérieure à la 7ème, fonce. Sinon, tu peux récupérer du matériel de découverte sur le Net sur Cthulhu en attendant. :’)

      • joker59200

        D’accord merci pour l’info :’)
        Je vais voir alors si je trouve une occasion sinon je prendrais la 7eme, après tout tu avais l’air tellement heureux avec ton coffret ultime que ça ne peut être que du lourd x’)
        ça me changera un peu de l’héroïc Fantasy de partir sur un univers différent, reste plus qu’à voir si mes joueurs accroche maintenant. Merci encore et bonne soirée ^_^ que les dès soient avec toi !

  • Gryf
    Gryf

    Combien ça coûte en général un livre de base comme ça ?
    Et où as-tu eu ces figurines ?
    Et est-ce abordable pour un plus que débutant ?
    Et combien faudrait-il de joueurs environ pour une bonne partie pas trop légère ni trop lourde à gérer ?
    Et où peut-on se le procurer ?
    Et faut-il des dés particuliers ?

    • Mahyar
      Mahyar Auteur du billet

      1. En moyenne entre 30 et 40e, pour environ une infinité d’heures de jeux.
      2. Au Japon.
      3. Cela dépend de la motivation et des envies.
      4. 2 joueurs et 1 MJ, ou 3 joueurs MAX.
      5. Les joueurs ? Un peu partout. Pour le livre, j’ai mon dealer préféré, qui est devenu aujourd’hui partenaire du blog, Ludikbazar. Un peu ma fierté.
      6. Cela dépend des jeux, pour l’Appel de Cthulhu, c’est 1D100 (2D10 en fait), et quelques autres dés. Comme D6 et D4. Livrable par le même dealer.

      • Gryf
        Gryf

        Merci.
        Ces questions se posaient un peu partout dans la tête. Alors plutôt que poster 36 milliards de messages, j’ai tout fait (pour l’instant) d’un seul coup.
        .
        .
        .
        Ce qui ne m’empêchera pas de poster 36 milliards de messages

  • Gils

    Bonjour/bonsoir,

    Je découvre ce blog tardivement – malheureusement bien après avoir découvert la série Aventure sur YouTube – et je viens d’en lire passionnément un bon nombre d’articles. La lecture de celui-ci appelle un avis que je ne peux m’empêcher de donner, malgré la sortie de l’édition 7 et la rupture de la présente édition 30ème anniversaire, en espérant que cet serve à quiconque serait tenté d’acheter pour un prix ultra-prohibitif cette version qui, d’un point de vue purement qualitatif, se révèle être de la poudre aux yeux.

    J’ai, en effet, énormément de mal à me faire un avis positif sur cette édition, non pas à cause du fond (que je trouve quasiment irréprochable, pour ma part) mais bien à cause de la forme qui frôle la médiocrité.
    Je m’explique: le livre neuf et vu de loin est une petite perle, dans sa magnifique robe noire, avec son vernis sélectif, l’impression discrète et fondue dans l’ébène du Cthulhu de la couverture, le signet doré et les repères sur la tranche, ainsi que sa belle colorisation et son papier texturé. Vous aurez sans doute compris où je veux en venir, cette apparente qualité n’est pour moi qu’une coquille qui se brise bien trop vite, une fois le livre en sa possession.

    Tout d’abord, quelques mots sur la couverture; dont la surimpression brillante (sur mon exemplaire et celui d’un ami) est décalée de quelques dizièmes de milimètres de l’impression mate, donnant un aspect flou aux caractères les plus petits (typiquement les inscriptions « H. P. Lovecraft’s » et « 30e anniversaire »); ladite couverture souffre d’un symptôme assez commun aux ouvrages où un vernis sélectif à été pauvrement appliqué: l’écaillage. De plus, le choix du carton utilisé laisse une impression de fragilité assez effrayante puisqu’il marque n’importe quel passage, qu’il s’agisse d’un ongle qui ripe, d’un frottement sur la table, ou même… d’un dé jeté sur la couverture.

    Le signet, quant à lui, bien que pratique, aurait gagné à être doublé, comme sur la version 6 initiale et la version 7 actuelle. Il aurait, de surcroît, mérité d’être de meilleure qualité puisque le tissu utilisé (assez pauvre, soyons honnête) interdit toute utilisation de briquet dans le but d’éviter l’effet effilochage (ce genre de fils ayant tendance à brûler sans se consolider). J’ai personnellement résolu ce souci en trempant le bout du signet dans une goutte de colle.

    Enfin, et j’arrive au problème principal: la reliure est en dos carré collé… une véritable abomination pour un livre qui a vocation à être feuilleté, ouvert en grand, refeuilleté, parfois annoté, encore feuilleté et souvent transporté. Cette technique de reliure consiste, pour résumer, à coller directement chaque page individuellement sur la reliure, au lieu de procéder, comme pour l’édition 7, à la couture de cahiers de quelques feuilles entre elles eux-mêmes collés sur la reliure. Si le dos carré collé fonctionne sur certains bouquins du même type, c’est souvent à la condition d’utiliser des pages légères sans glaçage en noir et blanc ou avec quelques rares feuillets d’illustrations colorisées (l’édition 6 initiale et tous les autres livres de cette même édition, par exemple); ou alors de prendre une colle de qualité. À titre personnel, devant la perte exponentielle des pages de l’édition 30ème anniversaire, j’ai dû procéder au démontage du livre, puis au recollage (à la colle à bois) des feuilles sur une surface absorbante avant de recoller le bloc sur la reliure.

    Voilà, si vous êtes arrivé jusqu’à la fin de mon commentaire sans en avoir sauté la moitié, je vous remercie. J’espère que celui-ci servira, même s’il arrive assez tardivement. Sachez toutefois que cette édition mérite toutefois qu’on s’y attarde, mais bien plus pour le fond que pour la forme.

    Des bisous sur tous vos tentacules, les amis.